Voie antérieure ou postérieure mini-invasive pour les Prothèses de Hanche? Que dit la littérature scientifique?
Dr Damien ARNALSTEEN & Dr Eric PETROFF
Voie Antérieure ou Voie Postérieure de hanche pour la mise en place de Prothèse. Que disent les études et articles scientifiques ?
L’engouement actuel pour la Réhabilitation Améliorée Après Chirurgie (RAAC) Prothétique de hanche et de genou incite les industriels et les chirurgiens à se démarquer en proposant des techniques récentes, semi-récentes voire anciennes et revisitées.
C’est dans ce contexte que certains industriels et chirurgiens ont revisité l’abord antérieur de la hanche décrite dans les années 50, bousculant le « gold standard » mondial fondé sur la mise en place d’implants prothétiques de hanche par voie postérieure.
La voie d’abord antérieure mini invasive promettait une récupération plus rapide sans atteinte musculaire ni nerveuse et sans augmentation des comorbidités post-opératoires.
Que disent les articles scientifiques et la bibliographie orthopédique mondiale après plus de 10 ans de recul ?
La voie d’abord postérieure mini invasif reste-t-elle la voie d’abord la plus sûre et le « gold standard » de la voie d’abord de hanche ?
Concernant la Récupération Améliorer Après Chirurgie (RAAC) prothétique :
De nombreux articles scientifiques ne mettent pas en évidence de manière significative une récupération plus rapide après chirurgie prothétique de hanche par l’utilisation de la voie antérieure (figure 1 - 2).
Figure 1
Malek IA, Royce G, Bhatti SU, Whittaker JP, Philipps SP, Wilson IR, Wootton JR, Starks I, A comparison between the direct anterior and posterior approaches for total hip arthroplasty: the role of an 'Enhanced Recovery' pathway. Bone Joint Journal 2016 Jun;98-B(6):754-60.
Figure 2
Bon G, Kacem EB, Lepretre PM, Weissland T, Mertl P, Dehl M, Gabrion A. Does the direct anterior approach allow earlier recovery of walking following total hip arthroplasty? A randomized prospective trial using accelerometry. Orthop Traumatol Surg Res. 2019 May;105(3):445-452.
Quelques articles évoquent une durée d’hospitalisation légèrement plus courte, d’un jour en moyenne, lors de la réalisation de cette chirurgie prothétique de hanche par voie antérieure mais avec un taux de comorbidités plus important (complications nerveuses, fracturaires, hémorragiques…).
A contrario, d’autres articles très intéressants, comme celui cité ci-dessous et faisant référence au Symposium de la « HIP SOCIETY » aux États-Unis en 2014, font l’état d’une récupération plus rapide lors de l’utilisation de la voie postérieure mini invasive (figure 3-4).
Figure 3-4
Kirsten L. Poehling -Monaghan MD, Atul F. Kamath MD, Michael J. Taunton MD, Mark W. Pagnano MD, Direct Anterior versus Miniposterior THA With the Same Advanced Perioperative Protocols: Surprising Early Clinical Results, Clin Orthop RelatRes (2015) 473:623–631
La récupération rapide ou la Réhabilitation Améliorée Après Chirurgie (RAAC), développé au Danemark pour la chirurgie digestive avec le Professeur Kehlet dans les années 90, puis exportée en Europe et en Chirurgie Orthopédique, est basée sur une prise en charge multidisciplinaire (Chirurgiens, Anesthésistes, Médecins de ville, Kinésithérapeutes, Infirmières, Aides-Soignantes, Administratifs des établissements de santé…) centrée sur le patient. Cette RAAC permet actuellement d’accélérer le processus de récupération post-opératoire de toutes chirurgies en toute sécurité, notamment dans la chirurgie prothétique de la hanche et du genou, et ceci indépendamment de la voie d’abord utilisée. L’engouement pour la voie d’abord antérieure est concomitant à l’émergence de la RAAC, provoquant le plus souvent une confusion au sein de notre société. De nos jours, certains centres labellisés GRACE (Groupe Francophone de Réhabilitation Rapide Après Chirurgie), dont fait partie la Clinique de Flandre avec Flandre Orthopédie, proposent la réalisation de la chirurgie prothétique en ambulatoire.
Concernant l’acte chirurgical
De nombreuses équipes dont l’équipe du Docteur Spaans retrouvent une perte sanguine plus importante avec une durée opératoire significativement plus importante lors de l’utilisation d’une voie d’abord antérieure (DAA group) (figure 5). Le saignement et le temps opératoire plus importants augmentent alors le taux de comorbidités post-opératoires.
Figure 5
Spaans AJ1, van den Hout JA, Bolder SB. High complication rate in the early experience of minimally invasive total hip arthroplasty by the direct anterior approach. Acta Orthop. 2012 Aug;83(4):342-6.
De plus, l’équipe Bordelaise retrouve un taux d’inégalité de longueur des membres inférieurs important lors de la mise en place de prothèse totale de hanche par voie directe antérieure avec notamment plus d’un patient sur 5 présentant une inégalité de plus d’un centimètre même sans utilisation de table orthopédique. (Figure 6)
Figure 6
Lecoanet P, Vargas M, Pallaro J, Thelen T, Ribes C, Fabre T. Leg length discrepancy after total hip arthroplasty: Can leg length be satisfactorily controlled via anterior approach without a traction table? Evaluation in 56 patients with EOS 3D. Orthop Traumatol Surg Res. 2018 Dec;104(8):1143-1148. doi: 10.1016/j.otsr.2018.06.020. Epub 2018 Oct 10.
Concernant les complications postopératoires :
Dans la littérature scientifique, la voie d’abord postérieure reste plus sûre que la voie antérieure pour la mise en place d’une prothèse de hanche avec une comorbidité plus faible.
S’il n’existe pas de différence significative entre les deux voies d’abord pour la récupération après chirurgie prothétique de hanche, il est reporté, dans la littérature, un taux plus important de complications post-opératoires lors de l’utilisation de la voie d’abord antérieure.
Le registre Norvégien montrait à la « HIP SOCIETY » de 2012, un taux de révision plus important lors de l’utilisation de la voie antérieure, complication retrouvée également par l’équipe de Christian Christensen en 2014 avec un taux de reprise chirurgicale précoce 7 fois plus important lors de l’utilisation de la voie antérieure (1,4%) par rapport à la voie postérieure (0,2%) sur une cohorte de 1793 patients. (Figure 7)
Figure 7
Christensen Christian P., Karthikeyan Tharun, Jacobs Cale A., Greater prevalence of wound complications requiring reoperation with direct anterior approach total hip arthroplasty, Journal of Arthroplasty (2014)
Une des complications les plus fréquemment citées dans les publications est l’atteinte nerveuse dans l’utilisation de la voie d’abord antérieure. L’équipe Japonaise du Docteur Yasuhiro Homma retrouve, dans son étude publiée dans la revue officielle de la SICOT (International Society of Orthopédic Surgery and Traumatology), 31,9% d’atteintes du nerf cutanée latéral de la cuisse (LFCN) après la mise en place d’une prothèse par voie antérieure mini-invasive de type Hueter. Cette atteinte est responsable de paresthésies, d’hyperesthésies ou de douleurs sur la face latérale de la cuisse. Parmi ces 31,9%, 32% des patients vont récupérer spontanément à 6 mois. 20% des patients gardent donc des séquelles neurologiques à plus de 6 mois de leur intervention de prothèse totale de hanche par voie antérieure. (Figure 8).
Figure 8
Homma Y, Baba T, Sano K, Ochi H, Matsumoto M, Kobayashi H, Yuasa T, Maruyama Y, Kaneko K. Lateral femoral cutaneous nerve injury with the direct anterior approach for total hip arthroplasty. Int Orthop. 2016 Aug;40(8):1587-1593.
Dernièrement, lors du e-learninig de la SOFCOT en avril 2019, (Société Française de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique), une méta-analyse retrouvait un taux de complications nerveuses allant de 14,8% à 81% lors de l’utilisation de la voie directe antérieure mini-invasive contre moins de 0,2% pour l’atteinte nerveuse par voie postérieure mini-invasive (figure 9).